Mon atelier est mon cocon, mon refuge. Un endroit solitaire et intime où j’aime laisser aller mes réflexions, laisser errer mes idées et où chaque sens est stimulé.
Ce qui frappe d’abord en entrant, c’est l’odeur. Véritable madeleine de Proust, elle me ramène en enfance, dans l’atelier de céramique de mes parents.
Le sol, ensuite, est à lui seul une peinture : il reflète la trace de mon travail et de mes expériences, en conserve l’empreinte, tel un palimpseste. De la fenêtre, j’observe la végétation qui m’entoure, je distingue le mouvement du vent dans les pins. Je m’inspire de sa vitesse, de l’empreinte laissée dans les plantes comme si c’étaient les cheveux d’une femme, tout en contraste de lumières.
La musique, aussi, accompagne mon travail en permanence. Une mélodie peut me donner de l’énergie, me guider, tout au long de la création d’une œuvre. Elle peut me faire rêver, m’abandonner à des images, des souvenirs … A l’écoute d’un concerto d’Albinoni je peux ainsi me laisser submerger par l’émotion, ressentir la souffrance, la laisser grandir en moi pour apprécier ensuite de vivre et de laisser aller mon geste de peintre. Mais je peux aussi capter l’énergie d’un morceau de rock, et laisser place à une inspiration légère comme l’air, énergique, presque militante.
Matière retorse et difficile, avec le fusain, il n’y a pas de repentir possible. On ne peut l’effacer et chaque geste est une prise de risque, une exigence de réussite.
Le noir joue avec le blanc, laisse des traces et impose à l’artiste de se dépasser pour dominer l’outil. Le plaisir survient alors en se laissant bercer par le son du fusain sur le papier. Un son intime pour une matière sensible que j’aime travailler avec les doigts car elle prolonge mon sens du toucher. J’en garde ainsi l’empreinte sur mes toiles que je couvre de papier pour retrouver l’aspect poudreux de la craie et de l’épiderme. Le papier est alors comme une peau que je caresse.
Je n’utilise pas les bombes à la manière d’un graffeur, mais plutôt pour les coulures et les projections. J’aime ce qui est fluide : je dilue mes peintures, je fais mes jus, des mélanges, des décoctions, pour ensuite les projeter, dans la continuité d’un geste, d’une chorégraphie artistique.»
Comme un retour à l’enfance, je fais des pochoirs, inspirés des céramistes. On les retrouve dans mes tableaux aux couleurs chatoyantes mais aussi dans les séries plus récentes, où certains motifs se répètent dans une forme plus libre : ouverts, fermés… Le tableau n’est jamais encore tout à fait fini.
Retranscrire l’esthétique des corps jusqu’à atteindre la perfection de l’hyper-réalisme est une obsession. Que ce soit par le fusain, avec lequel on peut atteindre l’illusion d’une photo, ou avec la peinture, le dessin devient progressivement volume et, à force de travail, un personnage prend vie progressivement face à moi. Les apparitions qui me les ont inspirés deviennent des corps. Dans ce moment quasi-mystique je me sens telle une passeuse, découvrant une femme qui se révèle devant moi, et à travers laquelle je me sens exister.
Curieusement, c’est à ce moment où le Graal pourrait être atteint, qu’un écart entre la réalité et ma peinture vient briser l’illusion de l’hyper-réalisme : d’un geste j’efface une partie de mon travail, comme si je voulais, en altérant sa perfection, en faire aussi percevoir l’extrême difficulté.
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